L’avenir
des clauses de parité tarifaire figurant dans les contrats passés entre
les OTA (Online Travel Agencies) et les hôteliers semble désormais
compté. En rendant mi septembre un avis juridique qui considère
celles-ci, et plusieurs autres, contraires aux dispositions du Code de
commerce, la Commission d’Examen des Pratiques Commerciales (CEPC) ouvre
à la voie à un futur texte législatif qui les interdira ou les
encadrera strictement.
Dans la foulée de cet avis, l’Etat a annoncé le 13
novembre, dans un communiqué et par la voix de la ministre du Tourisme
Sylvia Pinel qui s’exprimait lors du congrès du Synhorcat, avoir assigné
en octobre dernier au tribunal de commerce de Paris le groupe Expedia
(propriétaire notamment d’hotels.com). Au motif que certaines clauses de
ses contrats, détectées par la DGCCRF lors d’investigations "récentes",
seraient illégales. Une seconde assignation visant une autre centrale
(booking, selon nos informations) devrait intervenir d’ici fin 2013.
Avant l’adoption de ce texte législatif, il faudra
auparavant que le ministre de l’Economie engage une action sur le
fondement du droit français des pratiques restrictives. Ce qui
autorisera alors le rapporteur du projet de loi sur la consommation, le
député PS Razzy Hammadi, également président de la CEPC, à déposer un
amendement lors de la deuxième lecture prévue d’ici la fin de l’année à
l’Assemblée nationale.
Selon monsieur Hammadi, interrogé par HR-infos, les
tribunaux de commerce pourront d’ors et déjà s’appuyer sur l’avis de la
Commission en cas de litige entre distributeurs et hôteliers.
Les quatre organisations professionnelles des CHR (CPIH,
Fagiht, Synhorcat, UMIH) qui avaient en juin 2012 saisi la CEPC
obtiennent donc gain de cause. Pour Didier Chenet, président du
Synhorcat et Claude Daumas, président de la Fagiht, "cet avis constitue
la deuxième étape et une deuxième victoire pour la reprise en main par
les hôteliers de leur commercialisation directe avec leurs clients". En
effet, le Synhorcat et la DGCCRF avaient obtenu en octobre 2011 la
condamnation par le tribunal de commerce de Paris du groupe Expedia pour
pratiques commerciales trompeuses.
Les actions des syndicats ne sont pas pour autant terminées.
Une autre saisine est en cours, celle de l’Autorité de la Concurrence, à
la demande de l’Umih et de la CPIH. L’Autorité établira si les
pratiques des OTA sont anticoncurrentielles. Par ailleurs, l’UMIH a
présenté le 18 septembre à Razzy Hammadi sa proposition visant à baser
les commissions des OTA sur le prix Hors Taxe de la chambre et non plus
sur le prix TTC..
Dans son communiqué, la confédération souligne en effet
que ces sites, qui ne sont pas soumis à la TVA en France, s’enrichiront
mécaniquement du fait de la future hausse au 1er janvier 2014. L’Umih
indique que le député s’est engagé à "mener une vraie réflexion sur les
moyens de fiscaliser ces centrales lors du projet de loi de finances
pour 2014".
Enfin, toujours le 13 novembre, cette même Umih
annonçait le lancement d’une pétition nationale et appelait l’ensemble
des 17 000 hôtels français à la signer "afin que nous soyons plus forts
ensemble pour rétablir des montants de commissions justes et
transparents", selon les termes de Roland Héguy (président de la
confédération) et Laurent Duc (président de la branche hôtelière)
ACTUALISATION D’UN ARTICLE PARU LE 20 SEPTEMBRE 2013
L’UMIH lance une pétition
Lancée le 13 novembre par la première organisation patronale de la branche, cette pétition vise à rassembler le plus grand nombre d’hôteliers, à titre individuel et par leurs groupements et chaînes, afin de "parvenir à établir un dialogue avec les centrales de réservation en ligne en faveur d’un niveau de commissions juste et transparent" (communiqué).
L’Umih escompte au moins 10 000 signataires et un large soutien des autres organisations.
Acquis d’emblée de la part de la CPIH (Confédération Professionnelle
des Indépendants de l’Hôtellerie), et du GNC (Groupement National des
Chaînes), ainsi que de la première chaîne d’indépendants en France, la
Fédération Internationale des Logis.
Principaux extraits de l’analyse juridique de la CEPC
« Les
contrats conclus entre les OTA et les hôteliers comportent de
nombreuses clauses qui (...) apparaissent contraires aux dispositions du
code de commerce : ces clauses à l’avantage de l’OTA et nettement
défavorables à l’établissement hôtelier ne sont pas assorties d’un
avantage de même nature ou d’une contrepartie suffisante au profit de ce
dernier. (...).
« Il
apparaît que les clauses de parité, prévoyant un alignement automatique
de différentes conditions consenties à des concurrents, sont contraires
à l’article L. 442-6-II- d du code de commerce et sont expressément
frappées de nullité par cette disposition ».
« Plusieurs
stipulations contractuelles, qu’il s’agisse de limiter à différents
titres la liberté de l’hôtelier dans la prospection de la clientèle, de
le soumettre à des conditions de règlement nettement défavorables,
d’alléger très nettement la responsabilité des centrales de réservation,
de conférer à ces dernières un pouvoir laissant l’exécution ou la
continuation du contrat à leur entière discrétion, sont dépourvues de
réciprocité et de contrepartie. Figurant dans des contrats-types
proposés uniformément à l’ensemble des hôteliers et qui ne semblent pas
ménager de place pour la négociation, ces stipulations créent, à tout le
moins par leur accumulation, un déséquilibre significatif dans les
droits et obligations des parties. En raison de leur contrariété à
l’article L. 442-6 –I-2° du code de commerce, elles encourent la
nullité. »
« Par
ailleurs, la possibilité contractuellement aménagées au profit du seul
OTA de modifier le contrat, sous peine de pouvoir résilier celui-ci,
est susceptible, selon l’utilisation faite de cette prérogative, de
contrevenir à la disposition énoncée à l’article L. 442-6-I-4° du code
de commerce. »
« Il
apparaît enfin que les stipulations relatives au délai de préavis et à
diverses possibilités de résiliation à effet immédiat n’écartent pas le
jeu de l’article L. 442-6-I-5° du code de commerce sanctionnant la
rupture brutale des relations commerciales établies. »
« En
dépit de la combinaison d’une clause de désignation d’une loi étrangère
et d’une clause donnant compétence à une juridiction étrangère, le
droit français des pratiques restrictives et, plus précisément l’article
L. 442-6 du code de commerce, reste applicable, à tout le moins,
lorsque l’action sur son fondement est intentée par le ministre de
l’Economie faisant usage des prérogatives prévues à l’article L.
442-6-III du code de commerce. »
L’avis intégral de la CEPC
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